Youri Chassin, la CAQ
et le lobby du pétrole (suite et fin)
- André Noël, 19
septembre 2018
Les
chroniques de Youri Chassin
Il n’est pas anodin de se pencher sur les
activités du lobby du pétrole. Si rien n’a été fait au Québec, au Canada et
dans la plupart des pays pour opérer le changement qui s’impose afin de stopper
le réchauffement du climat, ce n’est pas à cause de l’indolence et du
masochisme de la population mais largement à cause de l’influence de ce lobby,
qui a convaincu une bonne partie de la population que la situation n’est ni
grave ni urgente. Si les Québécois étaient conscients du fait que leurs enfants
nés cette année risquent de ne pas pouvoir vivre jusqu’à la fin du siècle parce
que la planète risque alors d’être devenue invivable, ils se mobiliseraient.
Mais ils n’y croient pas, malgré les avertissements lancés par les
scientifiques. Ils n’y croient pas parce que des personnes influentes et des
chercheurs soi-disant indépendants les rassurent en leur disant qu’il ne faut
pas exagérer.
En tant que directeur de la recherche à
l’Institut économique de Montréal (IEDM), Youri Chassin, aujourd’hui candidat
de la Coalition Avenir Québec (CAQ), ne pouvait ignorer que l’IEDM fait partie
de la nébuleuse des think tanks soutenue par des magnats du pétrole comme les
frères Koch notamment pour convaincre les gouvernements de ne pas nuire aux
intérêts pétroliers (voir la première partie de ce dossier publiée hier). En
fait, M. Chassin semble s’être inspiré de la nouvelle idéologie
climato-sceptique de groupes comme le Cato Institute, qui minimise les dangers
du réchauffement plutôt que de les nier bêtement. Rien ne démontre, dans la
campagne électorale en cours, que la CAQ et son chef, François Legault, sont
vraiment préoccupés par les changements climatiques.
Les mesures visant à réduire la production
et la consommation d’hydrocarbures sont présentées par les
néo-climato-sceptiques comme nuisibles pour l’économie, coûteuses pour la
population et surtout prématurées, puisqu’il n’y aurait pas d’urgence à se
passer du pétrole. Le réchauffement
du climat est présenté comme un phénomène très compliqué, une façon subtile
d’amener les citoyens à ne pas trop se casser la tête avec ça, eux qui ont déjà
tant d’autres soucis et qui devraient plutôt s’inquiéter des hausses de taxes
sur les carburants. Plutôt que de limiter notre dépendance au pétrole, les
gouvernements devraient faire confiance au marché, qui finira bien par
développer de nouvelles technologies pouvant limiter les émanations de gaz à
effet de serre (GES). Ce mantra est bien résumé par le Cato Institute, un des
nombreux think tanks américains soutenus par les Koch :
Global
warming is indeed real, and human activity has been a contributor since 1975.
But global warming is also a very complicated and difficult issue that can
provoke very unwise policy in response to political pressure. Although there
are many different legislative proposals for substantial reductions in carbon
dioxide emissions, there is no operational or tested suite of technologies that
can accomplish the goals of such legislation.
Fortunately,
and contrary to much of the rhetoric surrounding climate change, there is ample time to develop such
technologies, which will require substantial capital investment by
individuals[1].
(Nos soulignements.)
C’est la ligne de pensée que Youri Chassin
a systématiquement suivie lorsqu’il a écrit sur le climat, l’énergie et
l’environnement, ses thèmes de prédilection. M. Chassin a pu profiter d’une
tribune grand public en publiant ses chroniques dans le Journal de Montréal. Voici quelques extraits de ses articles, tous
disponibles sur le site de l’IEDM.
Bourse du carbone : dans quelle galère
embarquons-nous ? 3 juillet 2014
Comme
nombre de bonnes idées, malheureusement, c’est dans son application que le
marché du carbone pose problème. Ainsi, dès janvier, le prix du litre d’essence
augmentera d’environ 3 ¢ en raison de cette nouvelle taxe.
On peut
penser que les Québécois seraient prêts à payer un peu plus cher pour se
déplacer. Mais on ne doit pas oublier que le Québec est déjà une des provinces
taxant le plus l’essence au Canada. Cette augmentation de 3 ¢ par litre
n’apparaît pas substantielle en elle-même, mais c’est le total qui fait mal
quand on sait qu’une famille possédant deux voitures paie facilement plus de
1200 $ par année en taxes sur l’essence.
Un éléphant vert au PQ, 21 janvier 2015
Dans cet article, M. Chassin ridiculisait deux candidats
à la chefferie du Parti Québécois, dont Bernard Drainville qui proposait « que le Québec devienne la première économie sans pétrole, la
première économie vraiment verte des Amériques ».
Parler d’utopiques
projets à grands renforts de buzzwords, c’était peut-être séduisant à une
époque. Mais aujourd’hui, alors que l’information circule abondamment, ces deux
candidats n’ont pas fait leurs devoirs. Les éléphants verts sont jolis en
théorie, mais ne survivent pas à la réalité.
Surtaxe de 3.57 cents à la pompe… pour
Québécois seulement ! 7 avril 2015
Malheureusement,
le Québec est déjà une des provinces taxant le plus l’essence au Canada. Une
famille possédant deux voitures paie déjà, bon an mal an, plus de 1200 $ par année
en taxes sur l’essence!
Quant à
nos entreprises, elles devront débourser pour acheter des droits d’émission au
lieu d’investir dans leur développement. L’impact de ce coût supplémentaire ne
peut qu’entraîner une perte de compétitivité pour les entreprises installées
ici et un ralentissement de l’économie, puisque seuls le Québec et la
Californie ont décidé pour le moment de mettre cet accord en application. Sans
l’ajout d’autres partenaires dans ce « marché », cette initiative fait peu de
sens.
Les bananes de St-Jérôme en péril, 20
juillet 2015
Dans cet article, M. Chassin ridiculisait le maire
Coderre et d’autres maires pour leur opposition au projet d’Énergie Est.
Tenter
d’arrêter le commerce qui transite par le Québec équivaut à une demande de rançon :
donnez-nous des retombées économiques sinon... pas de projets! Le problème,
c’est que demain, qui se permettra de jouer les brigands de grands chemins à
nos dépens?
Anticosti deviendra-t-elle la Terre-Neuve
du Québec, 29 octobre 2015
Or, il
existe une belle opportunité d’enrichir l’île, ses habitants et le Québec dans
son ensemble. Et cette opportunité passe par l’exploitation d’une
richesse abondante de l’île : son pétrole. (…)
Le Québec
abonde en ressources énergétiques, mais les efforts en vue de développer les
réserves d’hydrocarbures de la province ont essuyé ces dernières années retards
et obstacles réglementaires, en plus de l’opposition de groupes militants. Si
le Québec donnait le feu vert tant attendu au développement de ses ressources,
notamment pétrolières sur l’île d’Anticosti, l’économie du Québec en entier
s’en porterait mieux.
Les morts «climatiques» et la pauvreté, 25
novembre 2015
La
Conférence de Paris sur les changements climatiques s’ouvre dans 5 jours et,
inévitablement, les journaux se remplissent de nouvelles alarmantes sur les
changements climatiques (…)
Par
contre, il ne faut pas tomber dans l’alarmisme (…)
Il est
pertinent de souligner deux éléments pour contrer le catastrophisme (…)
Penser
qu’on va tous mourir dans d’effroyables tempêtes tient davantage du bonhomme
sept heures que de la réalité scientifique.
Anticosti, pipelines et pétrole : la
majorité silencieuse se révèle pragmatique, 17 février 2016
Même si
on souhaite ne plus utiliser de pétrole demain matin, ce n’est pas encore
envisageable. Dans ces conditions, il ne faut pas confondre la pensée magique
avec une option raisonnable ou envisageable.
Le coût de la réduction des GES : 600$
à 1800$ par Canadien, 22 avril 2016
C’est (les
objectifs de réduction de GES) vraiment très peu réaliste dans l’état actuel
des choses.
Les trois amigos promettent beaucoup, 29
juin 2016
Dans le
passé, plusieurs gouvernements ont promis davantage d’énergie verte, sans trop
s’attarder aux conséquences économiques pour leurs citoyens. En Espagne, ce fut
une catastrophe. Les prix de l’électricité ont grimpé en flèche, affectant les
consommateurs et les finances publiques. Les familles allemandes paient quant à
elles plus de 400$ par année en moyenne pour subventionner les énergies vertes.
(…)
Si la
promesse d’augmenter la part des énergies renouvelables signifie
l’appauvrissement des citoyens d’Amérique du Nord, la moindre des choses
seraient d’être transparents.
L’échec prévisible du Fonds vert, ou
comment choisir les pires projets, 8 août 2016
Les
politiciens et les fonctionnaires ne sont pas les bonnes personnes pour choisir
les projets de réductions des GES à financer.
L’or «pas si noir» stimule notre économie, 24 mars 2017
Parfois,
on a tendance à oublier que le pétrole n’est pas qu’une source de pollution.
Comme source d’énergie, le pétrole permet à notre société de fonctionner. Comme
source d’activité économique, le pétrole permet à l’économie québécoise de
fleurir. Tout n’est pas noir lorsqu’il s’agit de l’or noir. Il y a le mot
« or » aussi.
«Se
passer du pétrole n’est ni urgent, ni facile»
Cette affirmation de M. Chassin (et de son collègue
Germain Belzile) représente la quintessence de la nouvelle idéologie
climato-sceptique, qui s’adapte tant bien que mal au réchauffement indéniable
du climat. Bien évidemment, se passer du pétrole n’est pas facile, mais c’est
certainement urgent. Il est urgent de prendre les mesures difficiles pour s’en
passer. Mais en répétant que ce n’est pas facile, les néo climato-sceptiques
atteignent malheureusement le but que s’est fixé le lobby des
hydrocarbures : décourager la population de changer ses habitudes et la
dissuader de se mobiliser pour obliger les gouvernements à nous sortir du
pétrole.
Cette phrase apparaît dans un cahier de recherche que MM.
Chassin et Belzile ont publié en décembre 2014 pour dénigrer les propositions
de deux groupes environnementaux, Équiterre et Vivre en ville, visant à réduire
la consommation de pétrole. Elle s’intitule : «Peut-on se débarrasser du
pétrole ? Les coûts d’une transition énergétique accélérée»[2].
Les écologistes sont présentés comme des
rêveurs déconnectés de la réalité économique et dont les propositions, si elles
étaient adoptées, viendraient appauvrir les Québécois :
Les
arguments des retombées économiques, de la réduction des importations et de
la création d’emplois verts, souvent invoqués pour illustrer d’autres
avantages des moyens proposés, contredisent les prémisses de base de
l’analyse économique. Subventionner un emploi nécessite forcément de
prélever ailleurs dans l’économie des taxes et des impôts qui, eux,
détruisent des emplois non subventionnés. Ainsi, en Ontario, chaque emploi
dans les énergies vertes coûte plus de 179 000 dollars.
Les vrais rêveurs sont pourtant
ces économistes qui pensent que l’économie peut continuer de tourner sans
changement radical. Les experts du climat sont formels : les changements
climatiques en cours nous mènent tout droit vers une catastrophe planétaire et un
effondrement économique sans précédent. Peu importe cette réalité, M. Chassin
insiste sur les bénéfices reliés au pétrole :
Selon
eux (les écologistes), la grande place qu’occupe le pétrole dans
nos vies et notre économie signifie que nous sommes « dépendants du pétrole
».
La
notion de dépendance est toutefois trompeuse. Si l’utilisation du pétrole
comme source d’énergie génère des désagréments et de la pollution, elle
engendre aussi d’importants bénéfices, particulièrement pour le transport
des personnes et des marchandises. (…)
Il
ne sert à rien de diaboliser une ressource s’il n’existe pas de solutions de
rechange réalistes, ni d’échafauder des projets sans prendre en compte leurs
coûts et la volonté populaire de les assumer.
M. Chassin martèle que la
transition énergétique proposée par les écologistes engendrerait une baisse
draconienne du niveau de vie des Québécois.
Tenter
d’accélérer ce processus requiert des programmes gouvernementaux toujours
coûteux et rarement efficaces. (…)
De
cette façon, l’atteinte de l’objectif fixé par Équiterre et Vivre en ville,
soit de diminuer de 60% la consommation d’essence pour les transports privés,
devrait se matérialiser par une hausse du prix de l’essence de 100%. Il
faudrait donc ajouter de nouvelles taxes sur l’essence pour faire passer le
prix de 1,38 à 2,76$. (…)
Penser
qu’il y a des économies à faire en se passant d’un produit dont la
consommation augmente le bien-être et la productivité équivaut à suggérer
que nous devrions tous jeûner pour épargner sur les dépenses d’épicerie.
La solution au problème du
réchauffement climatique – un problème qui n’est pas urgent, rappelons-le -,
est donc de laisser les entreprises développer de nouvelles technologies. Entre-temps,
les gouvernements devraient y réfléchir à deux fois avant d’augmenter les taxes
sur l’essence de façon importante et d’utiliser ces nouvelles recettes pour
subventionner les énergies vertes, car la grande majorité des Québécois ne
voudraient pas d’une telle mesure.
Le
progrès technologique nous permettra certainement à moyen terme de réduire
la consommation de pétrole et de passer à des énergies plus propres.
Entre-temps, il faudrait davantage prendre en compte dans les débats publics
les coûts que représentent les propositions des groupes environnementalistes
pour accélérer cette transition vers des sources d’énergie plus vertes.
Tous ceux qui suivent
l’actualité au Québec ont pris note de la vision de M. Chassin sur le rôle de
l’État, tel qu’il l’avait développée sur son blogue, trois semaines avant de
présenter sa candidature pour la CAQ : «Si je me montre si
suspicieux envers les solutions étatiques, c’est principalement parce que je ne
crois pas au mythe d’un État au service du bien commun. Déjà, l’idée qu’il
puisse exister un «bien commun» sonne l’alarme. La joute politique se fonde
justement sur l’absence de consensus quant à la nature du fameux bien commun[3].»
Il
existe pourtant un bien commun, la planète Terre, qui n’appartient surtout pas
aux magnats du pétrole. Des décisions doivent être prises à l’abri de leur
lobby. Deux visions
s’affrontent. Les scientifiques (et l’ONU, la FAO, le GIEC, etc.) répètent jour
après jour qu’il est urgent de sortir d’une économie basée sur la combustion
fossile. Youri Chassin, ses collègues de l’IEDM et toute la nébuleuse de think
tanks soutenus par l’industrie du carbone affirment au contraire que nous
pouvons prendre notre temps. M. Legault croit-il les scientifiques ou son
candidat Youri Chassin?
Croyons-nous en la science ou au
lobby du pétrole? C’est probablement la question centrale qui devrait se poser
en cette fin de campagne électorale. D’autres dossiers, comme l’immigration,
ont fait l’objet de nombreux échanges entre les partis; il est peut-être temps
de passer à un autre débat, un débat sur une crise réelle et pressante, celle du
climat, qui exige des mesures concrètes et immédiates.
Bravo pour cette recherche éclairante. En effet, la crise climatique est un enjeu majeur. Tous ces gens qui financent et appuient le lobby du pétrole seront un jour poursuivis pour ecocide, pour avoir sciemment trompé les populations sur l'urgence d'agir en 2018.
RépondreEffacerExcellent travail. Merci.
RépondreEffacerTous ces remerciements à la société de prêt Elegant pour m'avoir aidé à obtenir un montant de 1 000 000,00 $ USD pour établir mon entreprise de supermarché alimentaire dans différents endroits. Je cherche une aide financière depuis quatre ans. Mais maintenant, je suis complètement stressé de libérer toute l'aide de l'agent de crédit M. Russ Harry. Donc, je conseillerai à toute personne qui cherche des fonds pour améliorer son entreprise de contacter cette grande entreprise pour obtenir de l'aide, et c'est réel et testé. Vous pouvez les joindre par e-mail --Elegantloanfirm@Hotmail.com
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